Pourquoi Warren Buffett croit (et investit) dans la presse papier

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La récente lettre aux actionnaires du fonds Berkshire Hataway indique qu’au cours des 15 derniers mois Warren Buffet – connu pour sa politique contre-intuitive d’investissements profitables – a investi près de US$ 350 M dans… 28 titres de presse papier aux Etats-Unis.

Mais pas n’importe lesquels. On connaît en France comme ailleurs le lent déclin de la presse quotidienne nationale traditionnelle, le dilemme posé par le passage au numérique (y aller c’est sacrifier sa marge, ne pas y aller c’est pire) et les expériences plus ou moins réussies de monétisation des contenus journalistiques (« paywalls »). Certes, le mirage de l’information gratuite sur internet a vécu, mais les lecteurs éduqués ne sont pas encore prêts à payer pour – quoique le taux d’équipement en tablettes et les applications restituant une expérience lecteur proche du papier améliorent lentement les revenus d’abonnements numériques des éditeurs. Sans que les recettes publicitaires sur internet n’approchent celles encore réalisées sur papier.

L’analyse de Warren est la suivante : c’est l’information locale qui a de la valeur. “Newspapers continue to reign supreme, however, in the delivery of local news. If you want to know what’s going on in your town, whether the news is about the mayor or taxes or high school football, there is no substitute for a local newspaper that is doing its job. »

En d’autres termes, la presse papier doit maintenant s’adresser à des communautés locales : “Wherever there is a pervasive sense of community, a paper that serves the special informational needs of that community will remain indispensable to a significant portion of its residents.”

Quand au numérique, l’investisseur soutient que les « paywalls » ont une raison d’être et doivent fonctionner : “The Wall Street Journal went to a pay model early. But the main exemplar for local newspapers is the Arkansas Democrat-Gazette, published by Walter Hussman, Jr. Walter also adopted a pay format early, and over the past decade his paper has retained its circulation far better than any other large paper in the country.”

En tant que dirigeant d’une publication en ligne (CFnews.net), je pense en effet qu’il existe une prime à un contenu de qualité placé d’emblée derrière un paywall. Dans ce contexte précis démarrer gratuit, puis proposer un accès « freemium » ou payant détruit de la valeur perçue chez les lecteurs. Il reste cependant de la place pour quelques expérimentations – ou innovations : “Despite Walter’s powerful example, it’s only been in the last year or so that other papers, including Berkshire’s, have explored pay arrangements. Whatever works best – and the answer is not yet clear – will be copied widely.”

On apprend dans le même temps que 7 quotidiens américains sont à vendre : le Boston Globe (appartenant au New York Times) et six titres du groupe Tribune Co (notamment  le Chicago Tribune, le Los Angeles Times, le Baltimore Sun). Acheté 1,1 milliard de dollars en 1993 par New England Media Group (filiale du New York Times), le Boston Globe ne vaudrait aujourd’hui plus rien en raison de la chute des recettes publicitaires et de la diffusion payante – le NYT ayant déjà essayé de le vendre sans succès en 2009. Rupert Murdoch regarderait dit-on le dossier, mais aurait-il un métro de retard par rapport à Warren Buffet? Ces titres maintenant en difficulté ont en effet la caractéristique d’être à la fois généralistes et à forte diffusion dans leur zone géographique.

A suivre donc…